Je lâavoue.
Je me suis réveillée en voulant écrire un nouvel article.
Avec le désir de vous partager des astuces sur la perte de poids.
Jâavais une batterie de conseils dans les tuyaux.
Mais un doute : est-ce que ça va les intéresser ?
Alors jâai parcouru le web Ă la recherche des questions qui vous prĂ©occupent dans ce domaine.
Et vous savez quoi ?
Jâai fini par me rendre Ă lâĂ©vidence.
AprĂšs des heures dâhĂ©sitations, je capitule.
La vérité ?
Je ne peux pas vous aider.
Pourquoi ?
Parce que vous ne voulez pas ĂȘtre aidĂ©.
Vous voulez juste obtenir.
SĂ©rieusement. Lâalimentation est le seul domaine dans lequel vous trouvez bizarre de faire des efforts pour atteindre des rĂ©sultats.
Pour le reste, vous acceptez les rĂšgles du jeu :
Vous cherchez pour trouver.
Vous apprenez pour maĂźtriser.
Vous persévérez pour progresser.
Vous vous battez pour gagner.
Chacun retrousse ses manches et suit les indications.
Mais pour la minceur ? Faut surtout pas se frustrer.
Ainsi, vous googlez :
« Comment écrire un livre »
« Comment utiliser une machine à coudre »
« Comment réaliser la vidange de son véhicule »
Puis quand il est question de silhouette, câest :
« Comment maigrir vite »
« Comment maigrir sans effort »
« Comment maigrir quand on est gourmand »
Parmi les requĂȘtes les plus populaires, jâai mĂȘme vu « LĂ©gume en gĂ©lule ».
Ou comment vouloir le beurre, lâargent du beurre et racheter la crĂ©merie.
Et aprĂšs, vous vous Ă©tonnez quâil nây ait que les charlatans pour vous offrir des solutions.
Pause. Bien sĂ»r quâon peut Ă©prouver des difficultĂ©s Ă perdre du poids. Câest totalement humain.
Alors dans ce cas on tape :
« Comment ne pas lùcher pendant un régime »
« Comment avoir la motivation suffisante pour maigrir »
« Comment maßtriser sa gourmandise »
Visiblement, câest trop demander. Du coup, vous Ă©crivez :
« Perdre du poids sans rien faire »
Parce que ça vous arrive souvent de googlerâŠ
« Rédiger un CV sans rien faire » ?
« Coudre une écharpe sans rien faire » ?
« Réaliser un meuble en palettes sans rien faire » ?
La crĂ©tinoĂŻdicitĂ© de telles requĂȘtes ne vous Ă©chappe pas.
Car vous le savez : dans la vie, câest comme dans le dictionnaire.
Lâaction prĂ©cĂšde le rĂ©sultat.
Sauf que pour la perte de poids, cette réalité vous agace.
Pire. Vous parvenez Ă vous berner vous-mĂȘme, avec une formule toute prĂȘte comme une pizza surgelĂ©e :
« Je nâai pas de motivation. »
Point. Câest datĂ©, signĂ©, scellĂ©. IrrĂ©vocable. Sauf que dans le monde rĂ©el, les choses ne sont pas aussi figĂ©es.
Et pour cause.
La motivation, câest un muscle.
Par consĂ©quent, vous devez lâexercer si vous souhaitez quâelle se dĂ©veloppe.
Certes, soulever des altĂšres, câest dur au dĂ©but.
Mais tout est dur avant de devenir simple.
Un début est toujours difficile.
Câest le principe mĂȘme dâun dĂ©but.
Sa définition. Son essence. Sa sÚve.
Sinon, ça sâappelle une fin.
Pourquoi pensez-vous quâen matiĂšre dâalimentation saine, ce qui vous est difficile aujourdâhui le sera Ă©ternellement ?
Est-ce le cas dans dâautres domaines ? GalĂ©rez-vous jusquâĂ aujourdâhui pour lasser vos chaussures ?
QuâĂ cela ne tienne. Vous persistez. Et votre argumentaire, ça dĂ©cape.
« Les lĂ©gumineuses, câest long Ă prĂ©parer. » Câest marrant, câest toujours aux recettes saines dâĂȘtre faciles et rapides. Par contre les recettes de pĂątisseries longues comme un bras nâont aucun souci de popularitĂ©.
« En hiver, pas de crudités en entrée. Il fait trop froid ». Et la bûche glacée au dessert, ça va la température ?
« Des fruits ? Tous les jours ? » Des pùtes ? Tous les jours ?
« Je ne sais mĂȘme pas comment cuire certains lĂ©gumes » Ah bin mince alors, ça câest carrĂ©ment dommage. Gardez espoir : quand on aura crĂ©Ă© internet, vous y trouverez tout ce que vous voulez.
« Jâai pas de recettes » Pour Ă©plucher une banane ?
« Faut avoir les moyens quand mĂȘme. » Pour acheter des lentilles ?
Libre Ă vous de ne pas vouloir manger dâaliments sains.
Mais dans ce cas-lĂ , pourquoi maudire votre silhouette ?
Pourquoi ne pas lâaccepter telle quâelle est ? Lui offrir simplement un amour inconditionnel ?
Laissez-moi vous confier un secret : jâaimerais bien parler espagnol.
Sauf que jusquâĂ aujourdâhui, ça me soĂ»le dâapprendre la conjugaison.
Du coup, je ne sais pas parler espagnol. Câest un fait. Et devinez quoi ? Je lâaccepte.
Que voulez-vous, je refuse de faire ce quâil faut pour que la situation change. Alors je lâaccueille telle quâelle est.
Et non, je ne passe pas mes journées à googler :
« Comment parler espagnol sans apprendre la conjugaison »
De la mĂȘme façon, certaines personnes en surpoids ne cherchent pas Ă maigrir :
Elles sont pleinement Ă©panouies, au calme avec leur corps.
Elles ne demandent rien Ă personne. Si ce nâest le respect. Et surtout, quâon leur fiche la paix.
Sauf que vous, vous nâĂȘtes pas elles.
Vous, vous voulez maigrir.
Votre silhouette vous attriste. Vous afflige. Vous désole. Vous désespÚre. Vous accable.
Elle vous plombe.
Parfois, je vous croise dans vraie vie. Et jâencaisse vos lamentations.
Jâaimerais tellement vous aider.
Mais vous me regardez droit dans les yeux en me disant que vous ne voulez pas faire dâeffort.
Vous ne voulez pas.
Fin de lâacte. Le rideau retombe. A moi de prendre mes cliques et mes claques et dâaller voir ailleurs.
Jâai presque honte de vous sortir mes histoires dâaliments qualitatifs.
AprĂšs tout, vous nâĂȘtes quâune victime.
Du moins, telle est votre version de lâhistoire.
« Câest pas juste, yâen a dâautres qui ne font rien et qui sont sveltes comme des brindilles⊠»
Et votre raisonnement est-il juste ?
Si vous voulez vous comparer aux autres, allez-y jusquâau bout.
Ne comparez pas uniquement vos silhouettes, comparez lâintĂ©gralitĂ© de vos vies.
Et lĂ vous verrez quâil y a des domaines dans lesquels vous avez bien plus de facilitĂ©s.
Que vous avez toujours rĂ©ussi ce quâils ont toujours foirĂ©.
Que vous excellez sans rien faire lĂ oĂč ils pataugent malgrĂ© leurs efforts.
La silhouette nâest quâune infime facette des gens. Vous le dites sans arrĂȘtâŠ
Certes, notre société ne vous aide pas. Mais alors pas du tout.
« Succomber à la tentation⊠Laissez-vous tenter⊠Ne résistez pas⊠»
Lâinstinct alimentaire est le seul Ă propos duquel on valorise le laisser-aller.
Réfléchissez-y un instant.
Coucher avec nâimporte qui est appelĂ© dĂ©bauche.
Dormir jusquâĂ pas dâheure, paresse.
Mais pour la bouffe, no limit.
Comme si on avait un systÚme de valeur qui réprouverait la culture OGM de tous les fruits. Sauf des mandarines.
VoilĂ pourquoi, dĂšs quâil est question de nourriture, vous dĂ©clarez non sans fiertĂ© que vous ne vous contrĂŽlez pas.
Et ensuite vous scandez :
« Je ne veux pas me priver. »
Sauf que vous oubliez une chose.
Vous vous privez déjà .
De la santé. De la joie. De la satisfaction de vous sentir jeune dans un corps tonique.
« Je suis un bon vivant »
Vivant ? Sûrement.
Bon ? Câest tout Ă votre honneur.
Bon vivant ? Impossible.
Vivre bon, ce nâest pas regarder son reflet avec insatisfaction.
Ou se sentir prisonnier dâun corps qui souffre.
Ni savoir ce quâil faut faire pour ĂȘtre Ă©panoui, et refuser dâagir en tentant de se convaincre quâon est dĂ©jĂ heureux.
Non. Un bon vivant, câest quelquâun qui savoure sa vie. Pas uniquement son assiette.
Quelquâun qui apprĂ©cie ses journĂ©es. Pas seulement 20 minutes⊠matin, midi, soir.
Soit. Je le reconnais, ce nâest que ma dĂ©finition.
Faut dire que la version officielle mâinterroge.
Bon vivant = personne qui mange beaucoup.
Alors bien vivre = beaucoup manger ?
Donc vivre = manger ?
« Je veux profiter de la vie »
Et il nây a quâĂ travers la nourriture que cela est possible ?
Vous vivez pour manger ? Câest votre objectif de vie ? Votre kiffe le plus Ă©levĂ© ?
« Le poulet, câest la vie ».
1-0 à la mi-temps. Je ne trouve rien à répliquer sur ce coup-là .
Ăvidemment, internet se fait lâĂ©cho de cette mentalitĂ©. DĂ©sormais, le web regorge de formules comme :
« Plats régressifs »
Donc manger doit assouvir notre dĂ©sir inavouable de redevenir des bĂ©bĂ©s. Dâailleurs, ces plats de rĂ©gression sâavalent⊠nous pouvons rendre nos dents, retourner au berceau, fuir nos responsabilitĂ©s, et nier les consĂ©quences de nos choix alimentaires.
« Recettes réconfortantes »
« Douceurs sucrées »
« Plats doudous »
Et voilĂ que la nourriture sert Ă combler nos besoins de rĂ©confort, de douceur, de tendresse, dâaffection, de chaleur⊠Euh, on parle toujours dâaliments, lĂ ?
Bon câest vrai. Câest pas comme si on avait touchĂ© le fond.
« Food porn »
Ah, ça y est. Les choses sont explicites. Les aliments ne sont plus des aliments.
Ce sont des sex-toys.
Ils ne servent plus Ă nourrir. Ils servent Ă la quĂȘte du plaisir.
Vous courrez aprĂšs le plaisir ?
Vous courrez sans but.
Car le plaisir nâest pas un but en lui-mĂȘme.
Câest un indicateur. Un signal.
Un voyant censĂ© sâallumer quand vos actes sâalignent sur vos ambitions, vos idĂ©aux, vos rĂȘves.
Quand vous devenez de plus en plus Ă lâaise dans la pratique du piano.
Quand vous progressez dans lâutilisation dâun nouveau logiciel.
Quand vous vous perfectionnez au volant.
Bref, quand vos efforts commencent Ă payer.
Efforts.
Il résonne ce mot ?
Le plaisir sans effort, câest un plaisir sans but.
Car le but, câest jouer du piano, utiliser le logiciel, conduire ;
Ainsi, une alimentation certes plaisante, mais qui nâest plus lĂ pour vous nourrir, câest une alimentation qui a perdu son but.
Du plaisir pour le plaisir.
De la masturbation alimentaire.
Un plaisir dévastateur.
Qui débute toujours subtilement.
Avant de prendre une ampleur incontrĂŽlable.
Vous ĂȘtes triste ? Vous mangez.
Vous vous ennuyez ? Vous mangez.
Vous ĂȘtes en colĂšre ? Vous mangez.
Vous culpabilisez ? Vous mangez.
Vous avez honte ? Vous mangez.
Un coup de fatigue ? Vous mangez.
Un coup de stress ? Vous mangez.
De lâimpatience ? Vous mangez.
Solitude ? Vous mangez.
Peur ? Vous mangez.
La bouffe, le couteau suisse de votre existence.
Et si vous placiez dâautres instruments dans votre boĂźte Ă outils ?
Lesquels ?
Ceux qui vous permettent de régler vos malheurs. Vraiment.
Vous en voulez Ă quelquâun ?
Pardonnez-lui.
Renoncez Ă lâamertume qui vous pousse vers un donut Ă chaque fois que vous pensez Ă cette personne.
Vous vous en voulez dâavoir blessĂ© quelquâun ?
Demandez-lui pardon. Libérez-vous.
Afin que les vagues du remord ne vous emportent plus dans un océan de soda.
Vous ne supportez plus la relation que vous entretenez avec quelquâun ?
Ouvrez-lui votre cĆur. Avouez-lui votre malaise. Parlez-lui des faits.
De ce quâils vous font ressentir.
De ce que vous avez besoin pour que la relation sâapaise.
De ce que vous acceptez de faire de votre cÎté.
De ce que vous nâencaisserez plus.
Ne laissez plus cette souffrance dévaler les pentes de votre vie telle une avalanche que vous contrez avec des sacs de chips.
On ne soigne pas le mal-ĂȘtre avec une ordonnance prescrite dans une chocolaterie.
Pourquoi nier une émotion négative ?
Elle nâest pas le problĂšme : elle est lâalarme qui vous indique quâil y a un problĂšme.
Alors cessez de vous acharner sur lâalarme incendie Ă coup de denrĂ©es alimentaires.
Et affrontez le feu.
Les flammes de votre douleur ne sâĂ©teindront pas avec du milk-shake.
Aussi, par pitiĂ©, arrĂȘtez de vous leurrer.
Reconnaissez que manger frĂ©nĂ©tiquement nâest pas une marque de libertĂ©.
Alors seulement, vous rĂ©aliserez quâune alimentation qualitative nâest pas signe de privation.
« Je mange autant de gĂąteaux que je veux. Jâen mange tout le temps. Je suis libre. » Magnifique. Et maintenant, remplacez le mot « gĂąteau » par « alcool ». Ensuite, expliquez-moi le sens de cette phrase.
« Et pourquoi tu ne me demandes pas de remplacer le mot gĂąteau par le mot laitue ? » Oh, mais vous pouvez mĂȘme le remplacer par courir, peindre, se brosser les dentsâŠ
Cessez de cacher votre esclavage sous un drap de liberté.
On nâest pas libre de faire ce quâon veutâŠ
Si on fait ce quâon veut, mĂȘme quand on ne le veut pas.
Si on fait ce quâon veut, alors quâon aimerait tellement vouloir autre chose.
Là , on est esclave de la liberté.
Donc vous nâĂȘtes pas libre de manger ce que vous voulez.
Vous ĂȘtes esclave de la libertĂ© de manger.
Et que mangez-vous ?
Des aliments qui ne sont plus que des nounours pour adultes dans une sociĂ©tĂ© infantilisante, oĂč la frustration, gage de maturitĂ©, est bannie.
Or justement, pour vous affranchir, vous nâavez quâune solution :
Accueillir votre frustration.
Au fond, câest grandir.
Dans la nature, seuls les nourrissons pleurent pour avoir tout, tout de suite, sans effort.
Et puis, entre nous, vous savez parfaitement accueillir votre frustration dans les autres aspects de votre existence.
Quand vous nâavez pas envie dâaller travailler, vous y allez quand mĂȘme.
Quand vous nâavez pas envie de rĂ©viser avant un concours, vous bĂ»chez quand mĂȘme.
Quand vous nâavez pas envie de vous arrĂȘter Ă un feu rouge, vous vous arrĂȘtez quand mĂȘme.
Parce que vous savez que la satisfaction dâavoir un salaire est plus intense que la douceur dâune grasse matinĂ©e.
Que lâallĂ©gresse de dĂ©crocher un diplĂŽme est plus gratifiante que la quiĂ©tude de la glandouille.
Que le bonheur dâĂȘtre en vie aprĂšs un trajet en voiture est plus prĂ©cieux que le sentiment de toute-puissance face au code de la route.
Et pourtant.
Comme vous nâavez pas envie de cuisiner, vous ne cuisinez pas.
Comme vous nâavez pas envie de suivre une routine alimentaire, vous nâen voulez pas.
Comme vous nâavez pas envie de modifier votre comportement alimentaire, vous ne le changez pas.
Parce que vous estimez que cuisiner, câest cher payĂ© pour ĂȘtre en bonne santĂ©.
Que manger des aliments sains, câest trop dâeffort pour perdre du poids.
Quâune envie subite de kĂ©bab ne se questionne pas.
En dâautres termes ?
Vous ne supportez pas la frustration alimentaire.
En rĂ©alitĂ©, vous nâavez jamais Ă la supporter puisque vous la fuyez en permanence.
Et beaucoup de gens la redoutent comme vous.
Que voulez-vous, ils ignorent ce que vous saurez désormais :
Une fois que vous accueillez la frustration, elle perd son emprise sur vous.
Et peu à peu, sa présence ne vous tourmente plus, ne vous obsÚde plus, ne vous pÚse plus.
Câest comme le vacarme du voisinage :
Vous finissez par lâoublier dĂšs lors que vous dĂ©cidez dâaccepter sa rĂ©alitĂ©.
Vous verrez : si vous chérissez la frustration, vous la dominerez.
Et là , elle vous dévoilera enfin le pourquoi de sa présence dans votre vie.
Sa mission cachée.
Et quâelle est-elle ?
Aiguiser votre volonté. Affûter votre courage.
Pour vous rendre capable de dĂ©broussailler nâimporte quel champ de la vie.
Et vous vous frayez un chemin. Le vĂŽtre. Vers le succĂšs.
VoilĂ , jâai vidĂ© mon cĆur.
Je vous laisse vaquer Ă vos occupations, et peut-ĂȘtre retourner dans la cuisine.
Mais avant, permettez-moi de vous poser encore une question.
La derniĂšre.
Que souhaitez-vous murmurer Ă vos proches le jour de votre dĂ©part dans lâau-delĂ ?
« Ma vie en a valu la peine. Jâai touchĂ© du doigt plusieurs de mes rĂȘves⊠»
OuâŠ
« Vive les rillettes. »